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Après une alchimie dominatrice au Moyen Âge, puis à la Renaissance sous la houlette de Paracelse, le déclin débuta au début des années 1600 pour diverses raisons. Mais nous examinerons ici celle qui fut la plus strictement liée à l’évolution de l’alchimie elle-même.

Celle-ci commença à lasser si nous pouvons nous autoriser une telle expression. Après quelques siècles de présence, les témoins de l’époque furent bien obligés de constater qu’aucun adepte n’était susceptible d’affirmer officiellement l’existence de la fameuse Pierre philosophale ; par ailleurs, la lecture de planches ésotériques au symbolisme compliqué fatiguait ceux qui montraient le plus de sympathie à son encontre. Bref, toutes les conditions étaient réunies pour que des thèses opposées émergeassent… afin de mieux combattre l’alchimie comme souhaitaient le faire certains esprits, tels Mersenne ou Gassendi qui avaient alors parfaitement perçu les menaces que cette dernière faisait peser sur la religion.

La diffusion de nouvelles théories fut facilitée par le fait que les principaux savants européens se mirent à échanger des courriers et à répandre leurs constatations scientifiques. Ce fut l’apparition des premiers cercles dont le plus connu fut probablement celui de Hartlib en Angleterre créé par ce dernier dans les années 1630.

Le cercle de Hartlib

Celui-ci, né à Elbing dans la partie orientale de Allemagne actuelle autour de l’année 1600, fit ses humanités à l’université de Königsberg avant de rejoindre celle de Cambridge et demeura en Angleterre durant le reste de son existence. Déjà le mouvement de rationalisme avait été auparavant bien enclenché par Comenius, mais Hartlib reprit à son compte cette conception d’alchimie chimique qui séparait celle-ci des préoccupations occultistes et étendit ces théories grâce à de nombreux échanges épistolaires (il était en relation avec Mersenne, Descartes et Gassendi et, parmi les membres de son groupe, on y aperçut des personnalités comme Digby ou Boyle…). Ces cercles en question (car il n’y eut pas que celui de Hartlib à œuvrer dans ce sens) s’orientèrent davantage vers une fonction d’utilité, voulant ouvrir cette alchimie vers l’extérieur. En assignant de nouveaux objectifs à cette dernière, il devenait impératif de lui accorder les moyens de communication pour les réaliser ; de ce fait, étant à la portée d’un plus grand nombre, l’alchimie fatalement devait gagner en rationnel ce qu’elle allait perdre en hermétisme.

Cela n’impliquait pas obligatoirement qu’Hartlib repoussât la totalité de l’alchimie, loin s’en fallait. Il correspondait aussi avec des partisans du courant spiritualiste comme Eugenius Philalèthe (pseudonyme de Thomas Vaughan) alors proche du mouvement des Rose Croix et, s’il faut en croire le ton des courriers, les discussions devaient être assez vives, du genre : Vous voyez maintenant, si vous n’êtes pas homme à l’esprit obtus, ce que l’être humain ressent, et par conséquent vous pouvez deviner par quels moyens il peut parvenir à s’élever… ce qui n’empêchait pas que leur niveau en était néanmoins relevé puisque Philalèthe continuait sur ce point par… Il doit être uni à la Divine Lumière, de laquelle il était séparé de la désobéissance. Une étincelle ou une teinture doit venir de la lumière, sinon il ne peut plus discerner les choses avec son esprit, pas davantage qu’il ne peut distinguer naturellement les couleurs sans la lumière du soleil. Cette lumière descend et s’unit à lui de la même façon que son âme était à l’origine. Je ne parle pas ici de la descente symbolique, extérieure, depuis les planètes prototypiques vers les sphères créées, et de là dans « la nuit du corps », mais je parle de cette chute de l’esprit très silencieuse et secrète, « à travers les degrés des formes naturelles » et cela est un mystère qui n’est pas d’appréhension facile.

Ce dernier, à défaut d’épaissir, ne dut pas s’éclaircir beaucoup au fil du temps… et les controverses s’éternisèrent. Il fallut attendre une nouvelle tendance qui prit corps dans les années 1640-1650 avec la parution des Discours chimiques, médicaux et chirurgicaux adressés à Monsieur Samuel Hartlib qui étaient une mosaïque de cinq textes émanant de divers membres de son fameux cercle. Le deuxième écrit était soi-disant du second Philalèthe (sous ce pseudonyme déjà évoqué quelques lignes plus haut, il faut cette fois entendre le nom de Georges Starkey) et le cinquième était l’œuvre de Boyle qui y revendiquait une ouverture complète dans les échanges pour ce qui était des secrets alchimiques. Quant au troisième discours, il avait été rédigé par un certain Plattes qui s’y montrait encore nettement plus explicite que son confrère puisqu’il exigeait que tout profane désirant s’adonner à l’alchimie devait maîtriser un certain nombre de bases avant de se lancer. Et il n’est pas dénué d’intérêt de les passer en revue :
- tout d’abord, le novice devait posséder un esprit minéral de façon à obtenir le premier dissolvant ;
- il devait connaître le secret de la dissolution ;
- il savait ce qu’était le Chêne creux (en fait le fourneau où s’effectuait la dissolution) ;
- il savait comment redonner aux corps leur fixité après les avoir rendus volatiles après la dissolution ;
- il devait apprendre qu’il y a un pas de plus à franchir entre la Pierre philosophale sur une base métal et la coupellation du métal ;
- enfin il était à même de comprendre la nature du feu qui doit être modéré, continu et environnant de matière de tous côtés, sans la brûler !

Plattes s’engageait aussi à révéler, dans le cas où elles se produiraient…, les supercheries des alchimistes. C’était donc une sorte de programme déontologique qu’il se promettait d’instaurer avec ce petit nombre d’articles ; il voulait soumettre ses idées au Parlement, mais le temps lui fut malheureusement compté. Simultanément se déroulaient d’autres événements parmi les proches de Hartlib. Ainsi il faut croire que le dénommé Starkey n’était plus en cour auprès du cercle car il fut proprement débarqué dans les années 1651-1652 au profit d’un certain Frédérik Clodius… peut-être pour manque de résultats « scientifiques » ? Car les membres du cercle finançaient sur leurs propres deniers, par le biais d’un conseil chimique général, les recherches du laboratoire universel qu’ils avaient installé, dont surtout Digby… Or, celui-ci, vers 1654, subit fortement l’influence des philosophes mécanistes et tout particulièrement celle de Mersenne avec lequel il était en contact. Ce fut un peu le début de la fin de ce groupe qui se désagrégea dans les années 1660 ; Hartlib mourut en 1662, Digby en 1665 et il ne resta plus que Boyle (il décéda en 1691) pour continuer l’entreprise…

La pensée mécaniste : une révolution en marche

Mais, à la même époque, survenaient des bouleversements politiques en Grande-Bretagne. La parenthèse de la république édifiée par Cromwell était terminée (1653-1658) et les Stuart étaient restaurés ; en 1660, Charles II accédait au trône… et c’était aussi un passionné de chimie qui était parvenu à convaincre le Français Le Fèvre, expérimentateur du roi de France, à venir s’installer en Angleterre. Celui-ci occupa la direction du laboratoire du roi à Saint-James Palace et fut fait membre de la Royal Society en 1661. Le souverain l’avait chargé d’un projet : fixer le mercure… et des témoins ont colporté que ce thème de recherche n’était peut-être pas tout à fait étranger à la mort, par empoisonnement, de Charles II. Cela est sujet à caution dans la mesure où le monarque mourut en 1685, bien longtemps après le décès de son chimiste qui, lui, quitta ce monde en 1669. Mais il n’était alors plus question de faire marche arrière ; le mécanisme était bien enclenché et la Royal Society allait reprendre le flambeau après le cercle de Hartlib et la transition assurée par Le Fèvre. Digby et les autres avaient réussi à faire accéder l’alchimie au niveau chimique, la dépoussiérant de tous ses mystères semblant être réservés aux seuls initiés pour lui conférer un aspect scientifique plus rationnel. Il ne faudrait pas pour autant affirmer de la manière la plus catégorique que le déclin de l’alchimie traditionnelle était la résultante directe de l’action des philosophes mécanistes. Certes, dire qu’ils n’y furent pour rien serait plus qu’abusif…, mais des personnalités comme Boyle, Newton et plus loin Boerhaave ne rejetaient pas la possibilité de transmutation… Ils la transposaient seulement dans leur système mécaniste.

Dès lors, la seconde partie du XVIIe siècle allait féconder d’un côté une intense activité pour retranscrire la théorie alchimique en des termes mécanistes et, de l’autre, une vitalité sans borne afin de démontrer que les procédés alchimiques étaient, en fait, invérifiables.

 

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