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Par ce titre, nous voudrions évoquer tout d’abord les destinées de deux alchimistes particulièrement malmenés par la vie que furent en premier lieu celles d’Alexandre Sethon (sauvé par Sendivogius dans des conditions assez rocambolesques et sur lequel nous n’avons que des données assez vagues) et de Denys Zachaire. Si, pour des raisons de clarté dans l’exposé, il est préférable de laisser de côté le libérateur du premier, les deux autres, en dehors de leur passion folle pour l’alchimie, eurent aussi en commun d’avoir des femmes qui précipitèrent leurs chutes.

Commençons par le dernier nommé dont nous savons d’ailleurs peu de choses sur les origines (il serait né vers 1510). Quant au patronyme de Zachaire, il n’était qu’un pseudonyme choisi pour préserver une certaine sécurité ; en revanche, il semble affirmé qu’il était issu d’une famille noble dont la souche était en Guyenne et qui devait être fort riche puisqu’il fut (plus ou moins) à l’abri du besoin et qu’il sacrifia toute sa fortune au Grand Œuvre. Car, à lire les difficultés qu’il dut surmonter pour parvenir au but et les sommes d’argent de plus en plus conséquentes qu’il ne cessa d’injecter dans son laboratoire ou qu’il employa à dénicher des manuscrits rares auprès d’experts qui en profitèrent pour le gruger au passage, sa vie donne l’impression d’être assez proche de celle du héros de Balzac dans La peau de chagrin qui voit son existence réduite à mesure que la taille de celle-ci diminue.
Sa chance ou sa malchance (c’est selon…) démarra avec le précepteur que sa famille lui avait alloué ; celui-ci faisait partie des Philosophes et les leçons ayant pour finalité de faire apprendre les Lettres et le Droit à son jeune élève se transformèrent en une initiation à l’alchimie. Dès lors, les villes où les deux compères séjournèrent devaient être des universités laissant croire aux parents que le jeune Denys poursuivait ses humanités de façon tout à fait normale. En réalité il n’en était rien puisque tous ces déplacements n’avaient pour but, bien évidemment, que de rencontrer des distingués collègues afin de perfectionner son art. C’est ainsi que les deux hommes furent vus à Bordeaux d’abord, puis à Toulouse et enfin à Cahors. Leur passage fut aussi confirmé à Pau en 1539 ; pourquoi Pau ? Toujours pour les mêmes raisons, à savoir que le pouvoir continuait de fréquenter les alchimistes en espérant que ceux-ci renfloueraient leurs finances ! Rien n’avait changé en ce sens depuis le Moyen-Âge et le fossé d’incompréhension qui s’était installé entre les deux parties ne s’était pas amenuisé, bien au contraire. Le grand-père du bon roi de France Henri IV, c’est-à-dire le roi Henri II de Navarre, connaissait alors des difficultés budgétaires et eut vent que Zachaire était un adepte (on ignore comment ?). Ce dernier, pour continuer ses travaux dans une relative quiétude, cherchait un protecteur ; se découvrant des intérêts communs avec le monarque, l’alchimiste en avait déduit, à tort, que ce partenariat pouvait durer… C’était, comme il était facile de le prévoir, un leurre auquel s’était accroché ce dernier (peut-être n’avait-il pas d’autre alternative ?) ; en tout cas, leurs rapports s’envenimèrent très rapidement : le prince espérait des liquidités au plus vite et Zachaire s’était positionné sur le long terme, ne pouvant justifier, si l’on utilise le vocabulaire d’aujourd’hui, le retour sur investissement qu’Henri II de Navarre lui avait consenti en le pensionnant. La séparation fut rondement conclue, apparemment sans trop de heurts de part et d’autre, et l’adepte reprit son chemin. On le vit désormais à Paris en 1546 et à nouveau à Toulouse trois ans plus tard. Selon certains auteurs, il aurait alors trouvé le secret de la Pierre philosophale1… Il n’en continua pas moins à voyager, y compris à l’étranger. C’est ainsi qu’il s’éprit d’une Suissesse qui avait aussi un cousin ; dans un moment d’égarement (?), il aurait confié sa découverte à sa dulcinée. Une nuit de l’année 1556, après une soirée bien arrosée, le parent de la belle l’étrangla. Zachaire emmenait avec lui dans sa tombe la formule de la poudre de projection…


Le destin d’Alexandre Sethon fut encore beaucoup plus tragique. Probablement d’origine écossaise, il fit parler de lui pour la première fois en 1601 lorsque des marins néerlandais faillirent périr dans une tempête au large de Seatown ou de Sethon… Son parcours dans l’histoire de l’alchimie fut proprement météorique puisqu’il dura à peine deux ans et demi ; mais il y laissa une telle empreinte qu’il demeure à jamais une énigme dans l’Histoire. Il est assez plausible de le faire naître dans la seconde partie du XVIe siècle bien qu’aucun spécialiste n’ait pu l’attester formellement. Par contre, ce qui semble à peu près certain, c’est que son apparition ait démarré avec le naufrage signalé auparavant. Tous ses biographes sont unanimes pour dire que ce fut avec le pilote de ce bateau en perdition, un certain Haussen, que se noua le destin futur d’Alexandre Sethon. En fait, ce patronyme était peut-être davantage lié au lieu lui-même puisque l’habitation où aurait séjourné Haussen, le capitaine néerlandais, se nommerait Sethon House et qu’elle aurait été la résidence du comte de Winton… Si le doute subsiste sur l’identité d’Alexandre Sethon (fut-il réellement ce noble britannique ?), en revanche les différentes versions localisent son domaine à peu près toutes au même endroit, à savoir à l’est de la ville d’Edimbourg où, en consultant une carte d’Ecosse, il est facile d’identifier les villes de Seton et d’Haddington toutes deux citées comme étant les localités probables ayant abrité Sethon House… et distantes seulement d’une vingtaine de kilomètres de la grande métropole écossaise. Toujours est-il que des relations d’amitié s’établirent entre les deux hommes et qu’ils promirent de se retrouver. Quelques mois plus tard, Sethon se mit à voyager et commença son périple par les Pays-Bas où il revit son ami navigant ; Sethon était encore chez lui en mars 1602, effectuant pour lui une transmutation… C’était le début d’une longue série marquant ses nombreux déplacements où il traîna derrière lui des projections un peu partout dans les contrées qu’il traversait, telles les nombreux cailloux du Petit Poucet car il semble bien qu’il aurait soi-disant réussi à percer le mystère de la fabrication de la fameuse Pierre philosophale. Il est d’ailleurs assez étrange que personne dans la communauté alchimique jusqu’alors n’ait mentionné ses qualités ; le fait que, brutalement, il fût apte à opérer des transmutations laisse perplexe sur l’origine de ses connaissances sur le Grand Oeuvre… Ses actes donnent à penser qu’il avait comme une sorte de destin à accomplir en un minimum de temps car, bizarrement, tout en affichant ses réussites, il montrait la plus extrême prudence et se comportait en homme discret, disparaissant subrepticement après chaque opération. De la maison de Haussen dans le bourg d’Enkuysen, il passa à Amsterdam, puis à Rotterdam. De là, il se rendit en Italie où on perd provisoirement sa trace et on le retrouve en Allemagne successivement dans la région de Francfort-sur-le Main (en provenance de Suisse : il profita de son séjour à Bâle pour faire une projection), puis dans celle de Cologne et enfin dans celle de Hambourg. A partir de ce moment, tout devient plus nébuleux et Sethon mit le cap sur le Sud de l’Allemagne, débarquant à Munich où, contrairement aux autres cités qu’il avait visitées, il n’arbora pas ses talents. Il est vrai qu’il avait d’autres centres d’intérêt puisqu’il s’était amouraché d’une jeune femme et que, selon certaines interprétations, il l’aurait enlevée. Dans ces conditions, on peut penser qu’il était assez pressé de quitter la Bavière. En tout cas, il devait être follement amoureux et prit, du coup, beaucoup moins de précautions. Et comme sa renommée augmentait au fur et à mesure de ses succès, cela ne pouvait que se terminer par un drame. Il couvait…

Le duc de Saxe fut bientôt informé de ses formidables compétences ; Alexandre, tout à son épouse…, ne daigna pas se déranger et envoya son domestique qui fit la transmutation à sa place. Celui-ci réussit pleinement ce que, d’ordinaire, son maître avait l’habitude de réaliser ; pourtant ce dernier, soit qu’il ait flairé le danger ou qu’il ait été lassé de servir Alexandre (la rumeur a dit qu’ils étaient amis, ce qui ne paraît pas très clair), quitta soudainement Sethon pour retourner en Angleterre, abandonnant ce dernier dans une position délicate vis à vis du jeune Électeur de Saxe qui était toujours en manque d’argent. Retors, ce dernier l’attira à sa Cour et, après quelques manipulations, lui demanda qu’il lui communiquât le secret. Ce dernier refusa tout net ; mais le prince était déterminé à employer les grands moyens, y compris les plus abominables. Il utilisa la torture longuement mais le Cosmopolite (ce fut le surnom désormais attribué à Sethon) ne céda rien. Il finit par échapper à l’Électeur de Saxe en s’évadant de la forteresse où celui-ci l’avait jeté. Comme cela a été noté plus haut, un de ses amis du nom de Sendivogius, parvint à l’arracher des geôles de Christian II, mais dans quel état… Il avait tout le corps cassé et était dans un état désespéré. Il mourut quelques semaines plus tard non sans avoir donné le reliquat de sa précieuse poudre à son sauveur qui, paraît-il, la convoitait depuis longtemps.
Les récits diffèrent sur ce dernier qui, selon les uns, aurait tenu plus du charlatan que de l’adepte au sens strict ; les mêmes affirment que, dès que la poudre du Cosmopolite se fut dispersée pour une part dans des projections qu’il rendit le plus médiatique possible… et pour le reste contre son gré puisqu’elle lui aurait été dérobée (d’aucuns pourront penser un peu sévèrement que la morale était sauve), il n’en continua pas moins à vendre un succédané comme remède miracle. Pour d’autres, il aurait été le complément idéal de son ami à tel point que, sous le personnage du Cosmopolite, seraient associés les deux noms à égalité. En ce qui nous concerne, nous avons préféré les dissocier car c’est à peu près, nous semble-t-il, le seul élément patent : sous le pseudonyme de Cosmopolite, il faut considérer en fait deux personnes distinctes, point sur lequel beaucoup historiens paraissent s’accorder ; la confusion provient du fait qu’il a existé des écrits, et non des moindres, publiés par le Cosmopolite et nous nous perdons en conjectures pour savoir à qui en attribuer la paternité. Il est alors vraiment difficile de savoir par lequel des deux a été rédigée la Nouvelle lumière chymique qui est constitué de trois parties : le traité du Mercure, le traité du Soufre et le traité du Sel. Il paraîtrait que le premier relatif au Mercure, encore appelé les Douze Traités, fut le seul à être de la main de Sethon. Quant à son homologue sur le Soufre, il aurait été compilé par Sendivogius ; en réalité, ce serait, d’après certaines sources, la veuve de Sethon qui lui aurait remis les documents de son défunt mari2. Où les choses se compliquent encore davantage, c’est qu’il se dit que la dernière partie de l’ouvrage relative au Sel serait d’une tierce personne, à savoir un certain Nuysement. L’ennui c’est qu’en plus il existât deux individus ayant pour patronyme Nuysement à avoir concocté des ouvrages hermétiques, ce qui n’éclaircit vraiment pas le mystère autour de ce traité du Sel…
Dans les Douze Traités, il y est surtout question d’une théorie de la génération autour de la formation et de la croissance des métaux. Partant du sperme de l’homme (celui-ci étant au sens alchimique l’élixir ou la quintessence de chaque chose) qui est une semence noble, créée seulement pour la génération de l’homme (… cependant si l’homme en abuse, ce qui est son libre arbitre, il en naît un avorton ou un monstre), il affirmait que rien ne croît sans elle tout comme les métaux. Et la comparaison continuait entre le sperme humain pénétrant dans l’utérus de la femme avec la semence de chaque élément faisant de même jusqu’au centre de la terre. Mais ce dernier était vide et le Serviteur de la Nature était dans l’obligation de mélanger les différentes semences afin de les renvoyer de nouveau vers l’extérieur. Or, deux matières sont nécessaires pour obtenir un métal ; la seule alternative est donc qu’une semence se joigne à une autre dans son propre règne, ceci afin de donner naissance à une matrice appropriée. Conclusion, une semence n’a aucune utilité si elle n’est pas introduite, naturellement ou artificiellement, dans la matrice qui lui est propre. Si ce concept, dans la droite ligne des pères de l’alchimie, peut expliquer l’origine des métaux, il reste à expliquer leur croissance ou leur perfectionnement. Comme cela vient d’être explicité, ce stade aurait lieu à l’intérieur même de la terre ; mais il ne s’effectuerait pas spontanément et aurait besoin d’un petit coup de pouce. Cet aide viendrait de l’Aimant qui serait un certain métal supposé avoir le pouvoir de consumer tous les autres car c’est du feu que proviendrait tout : « C’est le feu qui est cause du mouvement de l’air et la source de vie de toutes choses, dont la Terre est nourrice et l’abri »…
S’il est plus qu’hasardeux de se prononcer avec certitude sur le Philosophe qui rédigea le traité du Sel, il est néanmoins possible d’y voir un prolongement avec les Douze Traités, notamment lorsque ce dernier définit la nature de ce Sel. Il y est dit que le Sel est un troisième être, qui donne le commencement aux minéraux, qui contient en soi les deux autres principes, à savoir le Mercure et le Soufre… Plus loin, le propos se veut plus précis lorsqu’il différencie trois sortes de Sel : d’abord le Sel central, que l’esprit du monde engendre sans aucune discontinuation dans le centre des Éléments par les influences des Astres et qui est gouverné par les rayons du Soleil et de la Lune en notre Mer philosophique ; ensuite le second Sel, dit spermatique, qui est le domicile de la semence invisible et qui baigne dans une ambiance ouatée de façon à ne pas être brutalement détruite ; enfin le troisième Sel qui est la dernière matière de toutes choses. Ce triple Sel a pris naissance dès la Création, juste après le premier Chaos du monde où les choses vont tenter de reprendre un certain ordre ; c’est un chaos un peu évolué en quelque sorte pour le distinguer de l’étape précédente et qui va pouvoir servir à donner la vie par la suite.
Ces concepts du Sel en général se rapprochent assez étroitement des propos tenus par Sendivogius (ou Sethon ?) sur L’Air et sur ses commentaires à propos du Soleil astral et du Soleil céleste… Vu l’uniformité qu’ils dégagent, est-il véritablement important de perdre son temps à s’interroger sur le sexe des anges ? Faisons comme quelques exégètes : plutôt que d’essayer de savoir si ces écrits furent de l’un ou de l’autre, attribuons les tout simplement au Cosmopolite !

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1. Selon certaines sources, il serait parvenu à fabriquer de l’or le jour de Pâques 1550 : « Il ne se passait pas un jour que je ne regardasse d’une fort grande diligence l’apparition des trois couleurs que les Philosophes ont écrit devoir apparaître avant la perfection de notre divine œuvre, lesquelles je vis l’une après l’autre ; si bien que, le propre jour de Pâques après, j’en vis la vraie et parfaite expérience sur l’argent vif échauffé… lequel je convertis en fin or devant mes yeux, à moins d’une heure, par le moyen d’un peu de cette divine poudre… ».
2. Sendivogius se serait ensuite marié avec la femme de Sethon.

 

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